Un peintre sous surveillance

image: Antoine Meert , Rachel Simoni
montage: Ariane Mellet , Amarante Abramovici
son: Juliette Achard, Jacques Dapoz, Marie André
assistanat: Juliette Achard
musique: Franz Schubert, Esther Lamandier
mixage : Simon Apostolou ,Thomas Rouvillain
production: Dovfilm, La Fondation Boris Lehman
avec l'aide du Centre National des Arts contemporains du Fresnoy

avec Ariéh Mandelbaum, Claude Schmitz, Wendy Van Dormael, Sabine Durant, Valérie Gimenez, Céline Van Kimmenade, Sarah Lefebvre, Sarah Blum, Yaël André, Clémentine Lemaître, Isabelle Wuilmart, Chloé Kauffman, Julie Sandor, Esther Lamandier, Boris Lehman, Inbal et Natalie Yalon, Renelde Liégeois, Meriam Kerkour, Cristalina Crespo.

format 16mm couleur (pellicule Fuji)
durée: 36 minutes
Belgique : 2005-2008

Qu’est-ce qu’un peintre ? Comment filmer un homme qui peint ?
Vingt ans après avoir réalisé Portrait du peintre dans son atelier (1985),Boris Lehman revient chez son ami Arié, pour réaliser un autre film avec les mêmes éléments de base. Les deux films forment à présent un diptyque.

 

Un peintre sous surveillance

 

Après beaucoup d’années et d’amité, j’ai eu le désir de refaire un deuxième film avec Arié, sorte de « Portrait du peintre, 20 ans après ». Non pour expliquer ce qui reste inexpliquable ni pour apporter des éléments nouveaux que j’aurais oubliés dans le premier. Pour simplement continuer la question principale : qu’est-ce que peindre? Et donc qu’est-ce qu’un peintre? (ce qui revient à se dire: qu’est-ce qu’un homme?) Comment filmer la peinture et surtout l’acte de peindre. Et quand je dis: qu’est-ce qu’un peintre, c’est évidemment la question que je me pose à moi-même, qui revient vers moi comme une balle de ping pong ou un boomerang: qu’est-ce qu’un cinéaste et comment il filme.

 Je me suis donc retrouvé avec cette question sur le dos, et bien décidé à la remettre sur le tapis, pour m’en débarasser. Facile à dire, je me suis emberlifiquoté dans la répétition, mais on sait bien qu’on ne se couche jamais deux fois dans le même lit. Avec la patine du temps, l’original se modifie, prend des rides, se scinde en mille facettes, comme des excroissances, des variantes ou des variations,  au sens musical du terme.

 Je lance quelques mots au hasard, que je recueille dans le lieu que je filme:  umwelt, bleu du ciel, solitude, aimer, orange, prison, juif, oeufs...et ils se coincent dans la pellicule comme les mouches  dans le vinaigre ou sur la toile de l’araignée.

 Il y a la voix d’Arié Mandelbaum et celle d’Esther Lamandier (le duo amandier mandelbaum), la radio qui ronronne, les toiles blanches, les taches sur le sol. Il y a les femmes et les modèles, tout ça dans l’atelier, le lieu d’une vie où tout se rassemble, où tout se remplit.

Il y a vingt ans, je ne pensais pas qu’il fût possible de montrer un homme en train, de peindre, que tous les films qui montraient cela étaient des impostures, que tout était faux puisque quand on crée on est seul avec soi-même, il n’y a personne pour voir et surtout pas de caméra. C’est pour cela qu’il essaye de me peindre à la fin  car il n’y avait qu’un sujet possible, peindre celui qui était en train de le filmer.Mais j’ai reporté l’impossibilité ailleurs. On ne voit rien de ce qu’il peint, uniquement les gestes.

Serais-je devenu avec le temps et l’habitude complètement  transparent? Invisible et insensible à ses yeux? ou alors accepterait il de peindre sous surveillance? Ainsi de ses modèles qui n’acceptent  plus de poser, mais  seraient devenus à leur tour peintres, maîtresses, jeunes femmes de compagnie, artistes à part entière.

 Alors regardez bien, parce qu’avec des personnes  de notre espèce, il y a toujours quelques chose qui échappe.

 Boris Lehman / avril 2007

 

 

Artist being watched

Portrait of the Artist in his Studio (part II)

After many years of friendship I wanted to make another film with Arié, a sort of portrait of the painter 20 years later. Not to explain the unexplainable, or introduce anything lacking in the first movie, but just return to the central question of the nature of painting, of what a painter is? Which amounts to asking: what is a man? How to film painting, the act of painting? And when I ask “what is a painter?” it’s my own question coming back at me like a ping-pong ball or a boomerang: what are film-makers and what do they do?

This question was bothering me again, I was determined to have another go at it, and dispose of it for good. Easier said than done. I got tied up in repetitions, but as we know, things never stay the same. With the patina of time, the original alters, its features get lined, splitting into a thousand facets, like excrescences, variants or variations, in the musical sense of the term.

Twenty years ago I thought an artist could never be filmed in the act of painting, and that every movie claiming to do so was faking it, because to make art we must be alone with ourselves, with no one watching and above all no camera. That’s why at the end of the shoot he tries to paint me, the only possible subject, the person filming him. But I had simply displaced the impossibility: we don’t see what he’s painting, just the gestures he makes...

Is he now so accustomed to my presence that I’ve become completely transparent? Invisible, unseen by him? Or has he just accepted the idea of being watched?

Arié Mandelbaum

Artiste peintre, né en 1939. Vit et travaille entre Bruxelles, Fontenoille et New York. Lauréat de la Fondation belge de la vocation. A étudié à l’Académie des Beaux-Arts de Bruxelles, à enseigné à l’Ecole d’Art d’Uccle de 1966 à 2004.

A exposé en Belgique (Hugo Godderis galerij à Veurne, Galerie  Didier Devillez , Galerie Philippe Guimiot et L’Usine à Bruxelles, Maison de la Culture Namur, Musée des Beaux-Arts à Mons, Romy Goldmund Centrum à Antwerpen, Centre d’art contemporain du Sud Luxembourg) et plus récemment à New York (Open studio), à Washington (Honfleur Gallery) et à Toulouse (Galerie Concha de Nazelle et Librairie Ombres blanches)

Gérard Preszow, Serge Goyens de Heusch, Jacques Sojcher, Serge Meurant, John Berger, Marcel Moreau, Maurice Krajman et Jean-Michel Palmier ont écrit des textes  sur son œuvre. Bernard Noël lui a consacré un livre.

Depuis 2003, se produit comme acteur, notamment dans les spectacles de Claude Schmitz (Red M.U.D.H, Amerika, Inner Worlds)

Boris Lehman a réalisé avec lui deux films: Portrait du peintre dans son atelier en 1985 et Un peintre sous surveillance en 2008 forment un diptyque qui tente de cerner l’identité et l’amitié au travers d’un monde pictural hanté par l’enfermement et la blessure.

Arié Mandelbaum is an Artist and Painter. He was born in 1939. He lives and works in Brussels (BE), Fontenoille (FR) and New York (USA). Arie Mandelbaum was privileged to have been selected as a ‘Lauréat’ by the Belgian ‘Foundation de la vocation’. He studied at the Academy of Fine Arts in Brussels, and was a teacher at the School of Arts in Uccle between 1996 and 2000. Arie Mandelbaum exhibited in Belgium (Hugo Godderis Gallery in Veurne, Gallery Didier Devillez , Gallery Philippe Guimiot  and The Factory (L’Usine) in Brussels, Cultural House in Namur, Museum of Fine Arts in Mons, Romy Goldmund Center in Antwerp, Center for Contemporary Art in the South of Luxembourg) and more recently in New York (Open Studio), Washington, D.C (Honfleur Gallery) and in Toulouse (Gallery Concha de Nazelle et Library Ombres Blanches)

Gérard Preszow, Serge Goyens de Heusch, Jacques Sojcher, Serge Meurant, John Berger, Marcel Moreau, Maurice Krajman et Jean-Michel Palmier have written texts about the work of Arié Mandelbaum. Bernard Noël dedicated a book to his work.

Since 2003, Arié Mandelbaum works as an actor, mostly in performances of Claude Schmitz (Red M.U.D.H, America, Inner Worlds)

Boris Lehman has produced and directed two films with Arié Mandelbaum: Portrait du peintre dans son atelier (Portrait of the painter in his studio) in 1985 and Un peintre sous surveillance (a Painter under surveillance) in 2008 . Both films  form a dyptique which tries to determine the identity and the friendship through a pictorial world haunted by the seclusion and the wound.