PORTRAIT DU PEINTRE DANS SON ATELIER


Image: Antoine-Marie Meert
Son: Henri Morelle
Montage: Daniel De Valck
Direction de production: Roselyne Hermal
Scénario, réalisation et production: Boris Lehman
Coproduction: Dovfilm, Centre du film sur l'art, Centre de l'audiovisuel à Bruxelles
Avec l'aide de l'Atelier des jeunes cinéastes, la Commission française de la Culture, le ministère de la Communauté française, la Loterie nationale
Musique: complaintes sépharades et chants araméens interprétés par Esther Lamandier
Générique original au fusain et portrait de Boris Lehman: Arié Mandelbaum.
Avec Arié Mandelbaum (le peintre), Esther Lamandier (la cantatrice), Boris Lehman (le cinéaste).





Synopsis
Le film est la rencontre - cinématographique - de deux regards (celui du peintre Arié Mandelbaum et du cinéaste Boris Lehman) avec une voix: celle de la cantatrice Esther Lamandier (qui porte le même nom qu'Arié: Mandelbaum signifie I'amandier).
Cette triple rencontre de la musique, de la peinture et du cinéma se réalise dans le quotidien d'un lieu unique: I'atelier du peintre.
Ici la toile se confond avec l'écran, la peinture déborde de partout (sur les sols et le plafond, dans les photos, les livres et les objets familiers du peintre), elle-même envahie par la musique, transformée par elle.
Tantôt bibliothèque du souvenir, tantôt musée, tantôt décor d'opéra ou scène de récital, I'atelier devient le magique miroir de l'art.
Au centre de ce tableau, Arié Mandelbaum. La caméra pénètre son univers, à l'aide de mouvements balayant son atelier, I'explorant dans ses moindres recoins, jusque dans son intimité.
S'enfermer avec Arié, avec la solitude de l'artiste est peut-être la seule manière d'essayer d'entrer dans sa peinture.
Ici pas d'explication, pas de biographie. Du peintre, on saura juste le nom, quelques gestes, quelques paroles, peu de chose, presque rien.


Portrait du cinéaste dans l'atelier du peintre

Le dernier film de Boris Lehman : un portrait du peintre Arié Mandelbaum. Un sensible échange de regards porté par la voix et la présence de la chanteuse Esther Lamandier.

Au commencement est une carte d'identité. La suite: toute une vie pour démentir chiffres et lettres, tout un film pour démentir l'image. Boris Lehman, une fois de plus, se bagarre avec la meurtrière paresse de l'ordre.
Un film sur l'art? Si l'on veut. Sur un peintre? Oui, aussi. Portrait du peintre dans son atelier appartiendrait à ces catégories, comme un nom à son nombre, pour qui veut dire vite sans avoir vu ni entendu.

Une unité de lieu - l'atelier du peintre Arié Mandelbaum -, mais quel temps y fait-il? Entre ces autres murs, loin là-bas à Bruxelles, enfermé une fois pour toutes, il y a assez pour savoir l'inépuisable d'une rencontre. Un portrait, c’ est toi dans mon regard servi par mon langage: le cinéaste filme un peintre. Il sait que l'existence est d'abord coexistence, que l'un ne va pas sans l'autre. Il sait aussi et avant tout qu'un peintre est d'abord quelqu'un qui ne peint pas. Un corps formé au soufre d'une vie, des traces que ce corps a engrangées autour de lui, parfois comme des stygmates.

Plus qu'un rythme, ce film a un débit. Les images coulent, lentes, voluptueuses, larges, emportant tout au passage. Elles charrient les signes d'une existence, se gonflent de ce qu'elles dénudent, étincellent de lumière ou s' intimisent d'ombre selon qu'elles fouillent au coin ou cherchent la lumière. Dehors est dedans penché sur soi. La caméra lèche, entame, abrase tout ce qui s'offre à elle. Comment s'en sortir autrement quand on a fait vœu de fermer la porte derrière soi ?

Il y a des tubes de couleurs, bien sûr, au premier coup d'œil. Des pinceaux. Des miroirs. Des tableaux sur chevalet. Les outils de travail. Et sur ces tableaux ? Voit-on ce qu'a peint le peintre? On devine des formes, figuratives, des couleurs et beaucoup de blanc. Le blanc de la toile confondu au blanc de l'écran . Boris Lehman sait que filmer n'est pas peindre et que voir se fait à l'œil nu.

On ne raconte pas un tableau mais on peut se mettre à raconter une vie.

L'art de faire le café, la radio qu'on allume comme un coussin de solitude, la sieste qu'on prend à n'importe quelle heure du jour et de la nuit, le téléphone qui règle le monde à distance: les gestes de fondation.

Affiches, lettres, pense-bêtes épinglés au mur, livres sur les tables qui mettent les mots dehors, photos de famille, fruits, médicaments...: la caméra énumère une suite infinie. Parmi ces choses et ces gestes, le visage du peintre nous fait face. Une éternité.

Le souci d'emmagasiner le réel est si grand que l'illusion s'accomplit. Et il y a du vrai sur ces images.

Où sommes-nous?

Une voix de femme nous enveloppe depuis le début, depuis les commencements- on ne sait déjà plus quand-: la voix d'Esther Lamandier chantant des complaintes sépharades et araméennes.

Et le corps de la voix apparut. Une femme drapée de blanc. Elle, penchée sur une harpe maintenue entre les genoux. D'où vient-elle? Où sommes-nous? Atelier, peintre, film sur l'art, Bruxelles... Boris Lehman ruine les titres et s'amuse des noms: Lamandier traduit Mandelbaum.

Entre le carrelage maculé et les murs craquelés, une voix affranchit les limites d'espace et de temps. Elle mâchonne du chaos à sa guise et les images sourdent en cascade de cette bouche-caméra. C'est un œil qui brouille la vue. Et peut-être le cinéaste nous suggère-t-il ainsi l’idée d'une peinture? Peut-être ne s’agit-il que d’accumuler les détours pour aller vers un point imaginaire?

L’objet dit le sujet. Il s'avance plus encore et n’a pas froid aux yeux. La rencontre entre le cinéaste et le peintre a lieu. Quatre yeux se font face et les nôtres en témoignent. Le cinéaste est passé dans son film, le peintre l’a pris dans sa toile. Il se met au travail. On assiste au Portrait du cinéaste dans l’atelier du peintre. Des gestes, une danse: le fusain sur la trame de lin, de la matière dérobée à l’image. Une vérité fictive du retournement : le cinéaste n’a jamais été ailleurs que dans son film; le peintre n’a jamais été ailleurs que sur l'écran.

Le film porte trace d’une rencontre, dépôt d'un temps de vie. Une page de plus au journal cinématrographique de Boris Lehman: «aujourd’hui (mais quelle durée a un film de quarante minutes?) rencontré Arié». Et nous l’aurons vu voir. Et peut-être n’aurons-nous vu que cela ? Ce qui nous reste de l'énigme de l'autre au bout du compte : l’énigme et l’histoire que nous nous racontons sur son compte, celle que nous pouvons nous raconter à nous-mêmes.

Gérard Preszow. (Regards N°147/octobre 1985)


La Première du film de B. Lehman a eu lieu le 17 octobre 1985, au Musée d'Art Moderne de Bruxelles.
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Célébration du mimétisme

Delvaux, Storck et Conrad parviennent à faire éclater la notion de temps: le passé et le présent se fondent, se confondent. Mais aussi dans leur démarche le filmant rejoint le filmé, s'identifie plus ou moins à lui, devient son double par une osmose subtile qui est le sujet même du film.

C’est sur ce second point que les rejoint Boris Lehman avec Portrait de l’artiste dans son atelier. Il fait, comme le titre l'indique, le portrait d’un peintre, Arié Mendelbaum (en cela, serait-il peintre lui aussi?) qui, à la fin du film, commence un portrait de Boris Lehman (est-ce de lui cinéaste qu’il serait surtout question ici, renvoyant le modèle, c'est-à-dire le peintre, à un décor, le vrai sujet étant lui-même). Mais ce changement pervers et subtil d’acteur et d'auteur, de sujet réel et de sujet prétexte, s’il nous fait entrer dans la problématique sophistiquée de l'autobiographie dans les films de Boris Lehman, ne nous éloigne pas de ce que peut véhiculer un film sur l’art quand on ne le cantonne pas dans la transmission d’informations mais qu’on l'ouvre sur la transmission d’impressions. Le film se compose de quelques mouvements d'appareils, vastes et lents panoramiques qui recensent et répertorient tout l'espace de l'atelier. C'est le lieu de travail qui sert ici de descriptif. Le tableau n’est jamais isolé en tant que tableau, le peintre se reflète dans la pièce et le cadre ici perd son sens d'encadrement pour n'être plus que le cadre choisi par le cinéaste pour bâtir son image ou le cadre construit par l’artiste pour délimiter sa vie. Mis à part les travellings de Boris Lehman et le coup de crayon final d'Arié Mandelbaum, ce film est sans geste, fait uniquement comme les tableaux, de matière. La peinture est partout avec des tubes et des pots, des palettes, d'abord, des murs, des sols, des objets, ensuite, tous marqués par l’acte de peindre. Les tableaux sont là, comme serait la page du manuscrit d’un écrivain, une surface de travail qui n’a pas d'autonomie, qui fait partie d’un ensemble. Peindre est vital comme manger, boire ou dormir. L’atelier d'Arié Mandelbaum est aussi cuisine, chambre, bureau. Un pot de peinture et une tasse de café, un pinceau et une orange sont des traces d'une vie unique, liées à un corps, à une mémoire, à une sensibilité, à une activité.

Les matériaux de la mémoire, photos, livres, images jaunies, accumulation de souvenirs et de références, sources d'inspiration, sont mentionnés et répertoriés comme aussi importants que leur résultante, le tableau. Les papiers ou les images aimées, gardées, épinglées, sont le support d'un imaginaire qui les transformera peut- être en toile peinte, images suscitant une image. Les seuls cadres dans le cadrage de Boris Lehman sont ceux découpés par une fenêtre, un miroir, le reste devenant sous le regard du cinéaste nature morte ou portrait. Il y a dans ce film un détournement de compétence: c'est Boris Lehman qui a fait le portrait d'Arié Mandelbaum et ne rend à son modèle son indépendance qu'à la dernière séquence. Son regard ordonne tout. Arié est «vu», dormant, téléphonant, circulant, comme sont vus les quatre murs de la pièce, le sol. Tout est ramené à une surface sur laquelle s'inscrivent des signes. Il y a fermeture, enfermement. L'écran est une toile et l'atelier devient une «boîte» un peu magique comme celles de Cornell ou un répertoire maniaque comme les pratiques de Gobert. L'objectif de la caméra semble saisir l’objectiviré d'un lieu, mais ce constat se transforme en subjectivité et perce avec perspicacité un état des lieux pour en faire un état d’esprit. Il est dommage que cette «captation» exemplaire soit interrompue le temps d'une séquence par la présence indue et insolite d'une cantatrice, corps étranger qui dérange.

Jacqueline Aubenas (La Revue Nouvelle)

Portrait of the painter in his studio

 

The film is a cinematographic encounter of two ways of looking (that of the painter Arié Mandelbaum
ans the filmmaker Boris Lehman) and of a voice : that of he singer Esther Lamandier (Both Arié’s and Esther’s names mean almond-tree).

This triple encounter of music, painting and cinema takes place in one single place : the familiar surroundings of the painter’s studio.

Canvas and screen are one, paint is everywhere (on the floor and the ceiling, in photographs, in books and on the painter’s daily objects. And the paint itself is engulfed by music, and transformed by it.

Library for the memory, museum opera stage or concert hall, the studio turns into the magic mirror of art.

In the middle of this setting stands Arié Mandelbaum. The cameraenters his world and travels through it, exploring every corner, uncovering its very privacy.

To share the artist’s solitude and enclosement, may be the only way into his painting.

No explanations are needed here, no biography. About the painter, only the name will be known, a few gestures, a few words, very little, hardly anything.

 

“Une personne est une ombre où nous ne pouvons jamais pénétrer, pour laquelle il n’existe pas de connaissance directe, au sujet de quoi nous nous faisons des croyances nombreuses à l’aide de paroles et d’actions, lesquelles les unes les autres ne nous donnent  que des renseignements insuffisants et d’ailleurs contradictoires”

Marcel Proust

Título em português : RETRATO DO PINTOR NO SEU ATELIER
Realização: Boris Lehman
Imagem: Antoine-Marie Meert
Som: Henri Morelle
Montagem: Daniel de Valck
Misturas: Antoine Bonfanti
Música: canções sefarditas e cânticos aramaicos interpretados por Esther Lamandier
Produção: Dovfilm
Interpretação: Arié Mandelbaum (o pintor), Boris Lehman (o cineasta), Esther Lamandier (a cantora) 
BÉLGICA
1985

 

Retratar quem o mundo retrata a fim de ser retratado – ou melhor: a fim de se confrontar com a impossibilidade de fixar alguém, algures, através de algo – eis um projecto que assenta como uma luva a Boris Lehman.

RETRATO DO PINTOR NO SEU ATELIER, embora dominado por um negro lirismo, é um filme que explode em brancos, cinzas e rosas, manchas como mapas, claridades ofuscantes e penumbras habitadas por réstias de luz. E, a despeito de se debruçar sobre as matérias mais concretas – os ritmos espaciais, as texturas e volumes, as telas, as paredes, as janelas e os recantos, os objectos usados e em curso presentes no atelier do pintor –, o filme abre com um longo e abstracto prólogo que nos apresenta um lugar tão vivido quanto abandonado, abordado através de delicados (tímidos,  mas indiscretos) movimentos circulares, lugar que parece habitado tão-só por uma voz vibrante de mulher. Só depois entrevemos o pintor, de costas, distante, entregue à sibilina tarefa de arrumar telas – essas mesmas telas que (isso só percebemos depois) o seu enérgico traço mais não faz do que aflorar –, numa atitude comparável à do cineasta em busca do enquadramento certo e da cadência exacta dos sucessivos quadros. Do pintor e da sua actividade pouco veremos

(um curto telefonema, uma sesta…) e essa parcimónia no acto de mostrar ajuda a construir a coluna vertebral do filme: quem retrata quem, se a memória se desgasta na decifração e o registo se questiona numa tranquila corrida contra o tempo?

A sequência final – poderíamos chamar-lhe andamento, pois este trabalho de Lehman quer-se, também, visceralmente musical –, em que Arié Mandelbaum tenta captar o rosto expectante do cineasta, é duma indescritível dureza. Após uns instantes de concentração e um prolongado acariciar do suporte onde vai começar o seu esquisso, o pintor lança-se num interminável harpejo de traços que parecem não deixar, ou quase não deixar marcas na superfície da tela. E o retrato de Boris que desse exercício resulta assemelha-se mais a uma máscara tapada por a uma mortalha do que a um olhar.
   

I

RETRATO DE CONJUNTO

Escolhe 13 colegas da tua turma e, à maneira do que faz o João Alves, retrata-os, um após o outro, na mesma folha de papel A2. Se bem reparaste, o artista não hesita em apagar, pintar por cima, transformar corpos, ou fragmentos de corpos, aproveitando os que já habitam a tela. Tenta desenhar ou pintar com a mesma desenvoltura, não em busca da muda perfeição, mas no encalço de uma imperfeição falante.

II

JEJUANDO SEM PASSAR FOME

Toda a gente sabe que, com algumas variantes regionais, em Portugal se come bacalhau no Natal e cabrito na Páscoa. Antigamente, às sextas-feiras, suposto dia de jejum para os católicos, as pessoas agasalhavam o estômago com peixe. A partir de informações recolhidas junto de uma pessoa idosa com experiência culinária, redige, segundo as regras da arte – isto é: especificando a lista de ingredientes e descrevendo pormenorizadamente a preparação – uma receita de peixe.

III

Com base na matriz do texto que obtiveste redigindo a receita de cozinha, produz um segundo texto, o qual, em lugar de uma preparação culinária, descreverá os ingredientes e a confecção de um prato abstracto como, por exemplo, um dos sete pecados capitais (vaidade, luxúria, preguiça, gula, ira, cobiça, soberba).

IV

O MEU AMIGO PEIXE

A carpa é um habitante das águas doces, que pode atingir idades e dimensões assaz pasmosas. Por entre os habitantes dos rios, cada vez mais ameaçados de extinção por causa da poluição crescente, escolhe o que mais for do teu agrado e, a partir de dados colhidos numa enciclopédia da vida animal, descreve o bicho sobre o qual recaiu a tua escolha do ponto de vista físico, juntando a essa descrição informações sobre o seu local e modo de vida, o seu nascimento, crescimento, alimentação,
reprodução, etc.

V

PERGUNTA A QUEM SABE

a) Pergunta à tua professora de História o significado da palavra «sefardita» que qualifica alguns dos cantos entoados por Esther Lamandier no filme.

b) Pede-lhe que te conte, em traços largos, a história da comunidade judaica em Portugal e que te explique o motivo pelo qual é hoje tão reduzida.

c) No filme do Boris Lehman, os apelidos da cantora – Lamandier – e do pintor – Mandelbaum – significam ambos «amendoeira». Em Portugal abundam as pessoas com nomes de árvores – Pereira, Oliveira, Pinheiro, Cerejeira, Carvalho, Azinheira, etc. Pede à tua professora de História que te explique também esse curioso mistério.
 

Saguenail Abramovici 
  

 

What is a painter ? And what does to paint mean ?

To film is not to paint and a painter is first and  foremost a man.

How then does one make a film about a painter and his painting, without becoming didactic or poetic ?

 The choice in Portrait of he painter in his studio was to film in one single place, the studio, to describe its every corner in details, to explore it visually, and,  in so doing, o enter into Arié Mandelbaum’s world, and all this is done without explanation or comment.

 Throughout this exploration, a sensual and dreamlike voice haunts us, the voice of the singer Esther Lamandier. She sings Aramean and sepharad songs, ballads and lullabies, accompanying herself with the harp. The voice, which slowly fills the studio, the paintings and the film, enters the picture for a short appearance.It evokes the encounter between painting and music, the union between sight and sound.

The filmmaker himself, during the last sequence, becomes this painter’s model.

This film is therefore the cinematographic encounter between two ways of seeing (the painter’s and the filmmaker’s) and a voice.