HOMME PORTANT (SON FILM LE PLUS LOURD)



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film de Boris Lehman

tourné en 16 mm.
avec la participation de David Legrand (galerie du Cartable)
production: Dovfilm et la Fondation Boris Lehman
avec l’aide du Centre de Cinéma du Ministère de la Communauté française de Belgique et des Télédistributeurs wallons, de l'Ecole Nationale des Beaux Arts de Bourges, de la Direction des Affaires culturelles (Centre)
Apparitions de Luc Remy, Thomas Töde, Jonas Mekas, Françoise Brodski, Nicolas de Schuyteneer, Jesper Fabricius
Image: Antoine Meert, Alexandra Dementieva, Marie André, Gilles Lechantre, Laure Pradeau, Guy Borremans
Son: Luc Rémy et Yaël André, Pierre Bertrand, Irvic d'Olivier, Henri Morelle
Montage: Daniel De Valck et Ariane Mellet
Mixage: Antoine Guében
Musique originale de Matthieu Ha

synopsis

L’homme qui porte son corps, ses bobines de films, ses sacs, son appareil photo, c’est Boris Lehman, c’est Sisyphe, c’est le Christ, c’est l’Ixion raconté par Alfred Jarry dans la Chandelle Verte.
Film essai sur le lourd et le léger. L’homme qui porte songe à s’envoler, à se volatiliser dans l’air et la lumière. La rencontre avec un autre homme-machine, porteur d’images électroniques, va lui permettre d’accomplir son rêve.




Porter, être porté
J’ai toujours porté, transporté, déplacé, déménagé, entreposé, des sacs, des valises, des caisses, parfois des baignoires et des armoires, presque tout le temps des films.
A croire que tous ces déplacements, à pied, en tram, en train, m’ont usé autant mes chaussures que mon dos, aujourd’hui plié, courbé, courbaturé.
Si on fait un rapide calcul, j’aurais fait plusieurs fois, à pied, le tour du monde - au moins 3 fois - (40.000 kilomètres de circonférence) et le nombre de kilos soulevés, je ne le connais pas.

L’Homme portant, c’est moi. Boris Lehman, cinéaste. 57 ans. Bien portant.
Pas important (ni impotent)
Portant: qui porte.
Qui porte ses (bobines de) films.
Qui les transporte, de ville en ville, pour les projeter.
Je transporte moi-même, mon propre corps, et le monde (Atlas), les souffrances du monde (Jésus) et ça n’a pas de fin (Sisyphe).
Mon oeuvre et ma vie ont toujours été intimement liées. Mes films sont comme une extension, une excroissance de mon propre corps.
Telle était déjà le fond de mon aventure poétique de Babel (1983-1990), journal filmé, reconstitué et fictionnalisé.
Et donc, pour parodier la célèbre formule de Kundera, l’Insoutenable Légèreté de l’être, je dirai que tout cela pèse. Pèse lourd sur la balance.
Films lourds à porter, dans tous les sens du terme. Faire un film, c’est aussi accoucher.
Vision tactile, corporelle, mais aussi cosmogonique: au commencement, rien ne marchait.
Qu’est ce que je porte? Moi-même, mon corps, mes films, mes bobines: mon oeuvre et ma vie. Pour mesurer, pour peser, pour vérifier (si ça tombe ou si ça vole par exemple) je porte, et je m’invente des machines, des sacs, des cartables.
Je porte mon enfant sur le ventre.
Qui porte s’attache. S’attache à ce qu’il porte mais aussi à tout ce qui pourrait l’aider à porter. D’où l’invention des machines. Machines à porter, et aussi machines à alléger le poids. Mais il ne s’agit pas de voiture, ce serait trop simple. Le piéton doit rester piéton, mais s’il arrive à se soulever du sol, à décoller, à léviter, à s’envoler.
D’où l’idée de la vidéoportation: j’entre dans la machine de l’autre. j’entre dans son dos, comme une incrustation à la Magritte.
Vidéoportation. J’entre (moi film) dans la vidéo (lui, l’autre), j’entre (face) dans son rétroprojecteur (dos). Dans le cartable, je ne pèse plus rien, c’est le cartable qui pèse. Le contenant est devenu plus lourd que le contenu. L’image dans le cartable. Il s’en suit une double marche, de celui qui porte Boris qui porte, une mise en abyme.
Dans ces images, je suis plus vieux, comme déjà mort, dans l’au-delà. je ne pèse plus, je ne porte plus, je ne suis plus que porté, et transporté.
Cette performance a été filmée dans la cathédrale St Etienne, à Bourges.
A la fin l’image ne sera plus qu’une image ailée, flottante, comme une "émanation" évanescante, plus légère qu’une feuille. Quelque chose d’angélique.



Porter
un enfant, son corps, un fardeau, le monde, un sac, une valise, sa croix, son arme, son âge, sa peine, son poids, ses fruits, ses lunettes, son costume, ses provisions, une barbe, des cornes, une bague, de l’argent, son nom, ses resonsabilités. sa ... est-ce que je porte chance





Boris Lehman, un Homme portant

Les films de Boris Lehman transportent en général et nous transportent en particulier lorsque, comme dans «Homme portant», le réalisateur déplace en quelques kilomètres de pellicule tout le poids de son cinéma.
Il s’agit certes d’une métaphore mais, au premier degré déjà, d’un exercice peu banal de réflexion.
Porter son cinéma comme on porte sa croix, au risque du truisme, y compris sur le chemin escarpé de Jérusalem, en un calvaire de 24 images et de 24 stations par seconde, voilà qui nous permet d’assister ici au déplacement, au sens propre comme au figuré (figure – figuration – transfiguration), de l’objet-film en un autre état de l’être, décalé, décentré, déplacé, sans cesse en mouvement dans le mouvement même d’une réflexion fondamentale sur soi et sur le cinéma.
Porter.
Porter ce que l’on porte en soi?
Boris Lehman porte, en effet, et nous porte à croire que le mouvement même de sa caméra et de sa pellicule peut nous déplacer, à tout le moins mentalement, nous transporter pour nous transformer, nous transfigurer, nous rendre autre, comme dans un formidable renversement de l’alter ego en ego alter.
Ainsi, ce film déplace les montagnes d’idées reçues sur la façon même de voir l’image et d’écouter le son.
La marche est dans la démarche et vice versa.
Le mouvement même de l’autoscopie de la marche (pour les besoins du tournage et la démonstration concrète de son propos, Lehman va jusqu’à faire construire la géniale machine autoscope de Léonard de Vinci) nous emporte, nous déporte, nous met en situation d’observation métaphysique.
Au-delà de la métaphore, nous abordons ici un métafilm, un métalangage du cinéma par son auteur même; une métaphysique de la projection de l’être sur l’écran de la caverne de Platon (méta, étymologiquement, signifie ce qui suit, ce qui vient, advient après, ce qui survient après tel déplacement de la matière ou de la pensée nous invitant à observer de près la métamorphose intrinsèque de ce qui change en nous après avoir observé ce qui change en l’autre, au-delà de son passage.
Cela nous transporte.
L’Homme portant nous porte.
Il porte pour nous le poids des films, le poids du temps, le poids de l’espace traversé.
C’est un transfert, une transposition, une transportation du concret à l’abstrait, la leçon de la matière donnée à l’énergie du sens, la marche sacrée vue comme une inlassable répétition du geste de la marche même, pas après pas, nous emportant vers un autre lieu ou un autre espace mental, vers un autre état, jamais identique car toujours déplacé, toujours avancé.
Nous sommes à la fois dans l’avancée permanente et nonobstant rare de l’état filmique de Lehman, ainsi que dans le passage à l’état autre de notre propre démarche de spectateur marchant, de spectateur portant enfin devenu majeur, acteur de sa propre aventure existentielle.
Dans ce sens, le film se déroule aussi, effectivement, dans la salle.
La fin du film est par ailleurs troublante d’authenticité et de profondeur lorsque nous sommes emportés dans une sidérante expérience de «vidéoportation» ou «téléportation» au cours de laquelle le cinéma, en qualité de matière filmique et de matrice du sens, nous annonce sa propre disparition, littéralement dévoré sous nos yeux par l’image électronique et numérique, comme dans une ultime tentative de déplacement, d’échappement, d’échappée belle du sujet même - le sujet Lehmanien - hors du film et pourtant emporté, aspiré, inspiré malgré lui en son centre toujours décentré.
Telle est la marche; déséquilibre toujours dépassé, toujours reconquis en un nouvel équilibre, en un nouveau pas avancé.
Tel est le film, tel est le cinématographe, image fixe toujours dépassée, toujours déplacée, dans sa relation intime au mouvement de la pensée, à la marche des idées en avant, au déplacement de l’Homme porteur, au déplacement porteur de l’Homme, au déplacement de l’Homme portant.
Déplace; décentrer l’objet (l’objet du film) pour mieux centrer et cerner le sujet (l’Homme en sujet); voici la vraie valeur philosophique discrètement dévoilée par l’Homme portant de Boris Lehman.
Il s’agit d’une valeur d’humanité toujours en perte d’équilibre, toujours se ressaisissant et ainsi, vaille que vaille, toujours s’inscrivant dans la forme matricielle de l’avancée possible.
L’homme porte l’Homme.
C’est l’Homme portant.

Jacques DAPOZ
Bruxelles, juillet 2003.


Un art de l’envol

Étonnant Boris Lehman qui encore et toujours parvient à nous surprendre. Homme portant, son dernier dernier film en date, se compose de plans tournés au fil des ans où on le voit porter ses films inlassablement. De déménagements en festivals, de voyages en errances diverses, il marche et porte son oeuvre tel un Atlas opiniâtre bravant toutes les lois de l’humaine pesanteur. Sisyphe non dépourvu de fantaisie, ne le voit-on pas porter résolument son film le plus lourd ou tituber sous le poids de sa caméra dans une rue de Jérusalem. Il revient et repart, chargé de bobines en une ronde sans fin qui trouve enfin son repos quand, épuisé, il se couche sur un divan entouré de ses films et laisse son regard fatigué partir loin, vers un ailleurs improbable qui aurait nom d’utopie. A partir de là le film bascule dans une invention artisanale et saugrenue de ce qui s’impose comme un art de l’envol et de la disparition. Avec la complicité d’un ami québécois, il construit et revêt un dispositif fait de lunettes, de harnais et de miroirs lui permettant de réinventer en direct et en marchant la beauté de la surimpression. Et surgit alors cette image composée de Boris Lehman foulant d’un pied léger le bleu du ciel et les frondaisons frissonnantes des arbres centenaires. “Je vole” s’écrie-t-il avec ce plaisir d’enfant émerveillé et nous volons aussi. Fantasmagorie parfaite de ce désir de fuir loin des contingences terrestres, Homme portant pourrait se clore sur cette illustration de notre soif d’imaginaire. Mais Boris Lehman ne pratique pas le body art pour seulement nous parler d’une nécessaire légèreté. L’heure est grave et il est aussi un cinéaste de ce qui fait défaut dans notre présent. Aussi avec un autre ami, il crée le soufflet vidéo portable où sur un écran dorsal apparaît son image portant des bobines de film sur sa tête. Son ami harnaché de l’appareil se met alors en route, portant et emportant sur son dos ce fantôme vidéoscopé de Boris Lehman en un long mouvement déambulatoire qui se fond et se perd dans la nuit. Ne reste du cinéma que cette lueur vidéo qui, falote, diminue, rétrécit pour finir par s’éteindre. Sous l’appareillage bricolé qui attire et distrait le regard, Boris Lehman a disparu, ne nous laissant qu’un reflet moribond, représentation fragile et illusoire de ce qui peut-être ailleurs continue à se vouloir vivant.

Film sombre et lumineux, fait de pessimisme et de rêve éveillé, Homme portant prolonge mais aussi marque un tournant dans l’oeuvre de Boris Lehman dont l’impressionnante Histoire de ma vie racontée par mes photographies faisait un peu figure de conclusion. Avec Homme portant, un changement s’opère dans sa façon de se mettre en scène, de puiser dans sa vie la matière même de ses films. D’abord il fait l’archéologie de plans anciennement tournés, leurs conférant une portée nouvelle. Ensuite, il donne à son personnage d’errant plus de poids, de densité, de sérieux qu’auparavant. Enfin il échappe à toute forme de narcissisme par un travail plus radical dans sa portée critique tout en allant toujours à l’essentiel de l’émotion.
Pourtant si le propos d’Homme portant apparaît plus grave, si le regard qu’il porte sur ce début de siècle est fait de plus d’amertume et de lucidité, (à l’égal du cinéma, la vie ne se porte pas bien), jamais Boris Lehman ne se départit de cette poésie ludique que l’on retrouve dans tous ces films (par exemple ce plan magnifique où en compagnie de Jonas Mekas, devant la cinémathèque française, il réinvente le cinéma muet) ni de cet humour pince- sans- rire digne de Buster Keaton. Son envol québécois est splendide d’imaginaire irréductible et donne d’autant plus de poids à ce sentiment de fin et de mort qui traverse tout son film. Alchimiste averti, il a cette maîtrise de la magie du cinéma qui lui permet de dépasser la simple opposition entre son pessimisme fondamental et son goût du merveilleux. Ainsi il réussit cette difficile conjugaison des extrêmes en construisant son film par petites touches hasardeuses, faisant se répondre ses plans comme les instants suspendus d’une errance qui ne sait où elle va mais avance et découvre, s’étonne et continue. Expérimental jusqu’au bout, Homme portant a cette liberté de mouvement née des hasards de la marche quand le chemin se trouve comme il se fait. D’une incorrigible indépendance, il se propose à nous comme une aventure sans entraves où nos rêves d’évasion rencontrent le tragique contemporain en une réflexion qui nous reste telle une présence nécessaire et très belle.

Philippe Simon


SYNOPSIS
The man carrying his body, his reels of film, his bag and his old Nikon, is Boris Lehman, he's also Sisyphus, Jesus Christ, and Ixion as told by Alfred Jarry in La Chandelle Verte.
An essay on heaviness and lightness. The carrying man would like to fly, vanish into thin air, into light. When he meets another machine-man, who carries electronic pictures, his dream will come true.

Boris Lehman, Man carrying
The films of Boris Lehman are carriers. They carry us. And in Homme portant the whole weight of Lehman's cinema is carried by a few kilometres of celluloid.
Though it's also a metaphor, this carrying makes literal sense: carry one's film-making as one carries one's cross, on Jerusalem's steep slope,a calvary of 24 images per second and 24 Stations of the Cross, showing literally and also figuratively (transfiguration), the film-object transferrred to a different state, shifted, shunted, decentred, ceaselessly moving as part of a fundamental questioning of self and film-making.
Carry.
Carry what is borne within us?
Boris Lehman carries everything before him: by the movement of camera and film alike we are transported (in our mind's eye at least), carried away, transformed and transfigured, altered, switched from alter ego to ego alter.
This film moves mountains of preconceived ideas about seeing images and hearing sound.
Walking is working and vice versa.
Through a walking self-examination (Lehman even made a version of Leonardo da Vinci's 'autoscopic' machine to test his theory) we are carried away, deported, placed under metaphysical observation.
Beyond the metaphor there is a meta-film, the auteur's own meta-language of cinema; a metaphysical projection with Plato's cave as screen (meta originally means what follows, comes after, what transpires after the physical or conceptual movement) inviting us to observe the metamorphosis in ourselves, how we change after seeing the change in others, after the film has come and gone.
We are transported.
The Man carrying carries us.
He carries for us the weight of the films, the weight of time, the weight of space traversed. It's a transfer, a transposition, a transportation from concrete to abstract, from matter to energy, the march of time in an endless repetition of the mechanics of walking, step by step, taking us to another place or another mental space, into another state, never the same, always displaced, carried onward.
Carried along by the constant yet singular movement of Lehman's technique, we are also converted into walking spectators, carrying spectators who finally come of age, acting out their own existential adventure.
In this sense, the film also unrolls, literally, in the projection room.
It ends with disturbing authenticity and depth, throwing us into the searing experience of 'videoportation' or 'teleportation' : this is a film that announces the end of film as physical matrix,
the end of cinema as we know it. We see film being literally devoured by electronic and digital imagery, with the subject itself - the Lehmanian subject - making a final attempt to get away, to save its skin, yet carried onward, sucked back willy-nilly into the film's ever-shifting centre.
The march is thus : each imbalance is righted, producing another equilibrium, another step forward.
The film is thus, the cinematograph likewise : each still image is overtaken, each is displaced to embrace the movement of thought, the forward march of ideas, the movement of the Carrying man,
the carrying movement of the Man, the movement of the Man carrying.
Displace, decentre the object (of the film) so as better to centre and identify the subject (Man as subject); that is the true philosophical value conveyed by Boris Lehman's Man carrying.
This is a value for humanity, which again and again loses and then recovers its balance, so that come what may it will always revert to being a matrix for possible advance.
The man carries Man.
He is the Man carrying.

Jacques DAPOZ
Brussels, July 2003



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Carry
a child, one's body, a burden, the world,
a suitcase, a bag, shopping,
one's cross.
arms, one's age, one's punishment,
one's weight, fruit
glasses, a suit,
a beard, a hat, a ring, money
a name
one's responsibilities
one's ...
do I bring good fortune


Note on the galerie du cartable

The galerie du cartable or satchel gallery was created in May 1999 by David Legrand and Fabrice Cotinat, joined a few months later by Henrique Martins-Duarte.

The satchel gallery offers a back-carried mobile space for video screening and transmission. This apparatus is disguised as a school satchel, whose exact shape it takes. Inside is an armature fitted with a small video system, the satchel consists of a miniature video projector attached to a rigid false back and two extendable pantographs soldered between the satchel's false back and its front face, the one that stops the light, its substitute screen. By means of accordeon-style bellows made of the same canvas, the pantographs mounted with screens and able to open and close the satchel are fully camoufaged. The whole apparatus is an extendible-retractable video player, battery-powered and controlled by a pocket device.
When the various modules making up the mini projection unit are turned on, the folding mechanism is operated and the unit is extended horizontally. The operation is instantaneous: the bellows motion enlarges the image to the size of the screen and projects the film from the inside.

This viewing support, video camouflage or technical prosthesis is also a portable gallery for pedestrians, a place for video projection, transmission and distribution that is a travelling unit since it is worn on the back. Its mobile character means that it can appear anywhere and at any time. It passes by. By passing it becomes an attraction, a nomadic unit. A fairground fragment.

Pedestrian approach

Pedestrian as film-bearer. Studio-man, like the sandwich-men of old coupled with advertisement boards. Coupled with a frame on his back, for his daily treks he carries basic video equipment creating alternative media of a supernatural character and thereby providing an infinite broadcasting system. He's a lantern-bearing hero, a story-pedlar. The anonymous pedestrian, a real distributing body, becomes en route an actor in the film that he carries, by injecting pictures and sounds, tiny doses of fiction, into real life