16 mm couleur 115 minutes - Belgique - 2000
Réalisation et production: Boris Lehman
Dans leur propre rôle: Adrienne Fonck-Boulvin, Édouard Higuet, Laurent d'Ursel, Stephen Sack, Roch et Louis Boulvin, Pauline de Mérode, Antonella de Lutio
Image: Antoine-Marie Meert
Son: Bernard Declercq, Henri Morelle, Irvic d'Olivier
Montage: Daniel De Valck, Ariane Mellet
Musique improvisée au centhour: Djalal Akhbari
Mixage: Laurent Pellissier
Étalonnage: Roger Vervoenen
Montage du négatif: Huguette Vanvolsem
Pellicules Fuji
Laboratoires Meuter
Studios Daisy Belle ; Dynascope et l'Equipe
Avec l'aide du Centre audiovisuel à Bruxelles, du Commissariat général aux relations internationales, du ministère de la Communauté française de Belgique, de la Cinémathèque royale de Belgique, de l'institut national supérieur des Arts du spectacle et du Forum international du jeune cinéma au Festival de Berlin Remerciements à Anne Grèzes, Hélène Papot, Amal Kharrat, Jacques de Clercq, Christine Grégor, Michael Novy, Claude Bouivin
Tourné à Bruxelles et à Dworp en été et en automne 1999
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Ce film est un cadeau.
Cadeau fait à une dame.
Une dame que j'aime et qui m'aime.
Adrienne n'est pas ma mère. Elle n'est pas juive.
Elle a 77 ans, l âge limite pour lire les aventures de Tintin.
Je l'ai rencontrée il y a cinq ans chez Edouard, un ami a qui je venais emprunter un smoking en vue du gala que j'organisais à l’opéra pour mon film Leçon de vie.
Elle est venue voir le film et puis d'autres, et nous avons commencé à nous fréquenter. C'est une femme hors du commun, jeune d'esprit, pleine d'énergie et toujours prête à de nouvelles expériences, malgré son âge avancé. Un soir, elle m'a invité à venir dîner chez elle et, à la fin du repas, elle a commencé à raconter un conte persan. Je lui ai dit que j’étais intéressé à venir filmer la semaine suivante. Elle a pris ca pour une blague parce que pendant des années, on lui disait la même chose et jamais personne n'est venu. Cette fois pourtant, ce qui fut dit fut fait. Le récit du conte fut filmé intégralement ainsi que la musique accompagnatrice, iranienne comme de bien entendu. Le musicien, professionnel de grand talent, fit le trajet de Paris a Bruxelles pour la circonstance. Par la suite, j'ai beaucoup filmé Adrienne et elle est apparue dans plusieurs de mes films. Un moment, j'ai eu le désir de lui consacrer un film-portrait: Adrienne de A a Z.
A comme Adrienne a été tourné lété dernier, en quelques jours. Il aurait pu aussi s'intituler Ma vie est un conte: entre la vieille dame qui aime faire plaisir à Babar et la Vieille Dame indigne de Bertolt Brecht, Adrienne se profile comme une fée bienfaisante.
Le film se décline en sept lecons et quelques digressions: la leçon de natation, la leçon de conduite automobile, la leçon de cuisine, la leçon de couture, la leçon de botanique, la leçon de savoir-vivre, et la leçon de cinema, la seule donnée par Boris, alors que toutes les autres sont données par Adrienne.
Adrienne a vécu quatorze ans en Iran, avec son époux, chirurgien oeuvrant dans la ville sainte de Meched. À la mort de son mari, elle revient a Bruxelles près de ses enfants et petits enfants.
Ayant appris la langue persane et sétant attachée à recueillir et à traduire les contes populaires de la région du Khorassan, elle a fini par mettre un peu d'orient dans sa poche et beaucoup de soleil dans ses récits.
Si le cinéma a peut-être changé la vie d'Adrienne, Adrienne, elle, aura travaillé à changer la mienne.
Un conte persan
Le film se termine par un conte. Un conte à tiroirs, comme on en trouve dans les Mille et Une Nuits. Tout le film l'annonce. La vie d'Adrienne n'est-elle pas elle-même un conte?
Le conte s'intitule Chah Tahmasp. C'est l'histoire d'un roi, qui, transporté dans une forêt inconnue par un oiseau merveilleux, devient derviche sur les conseils du prophète Khezr. Le roi-derviche devient commerçant et revient dans sa ville natale avec sa jeune épouse; il monte sur le trône et comprend la valeur relative du temps et la vanité du monde.
En mendiant, le roi devenu derviche recoit les boucles d'oreilles d'une jeune fille dont le père lui coupe les mains pour la punir de ce don. Mais la jeune fille épouse un prince et retrouve ses mains grâce à un miracle. Le roi-derviche recoit lhéritage de la jeune fille et épousera sa soeur adoptive.
Ce conte, un des plus intéressants jamais rassemblés de cette contrée d'Iran, est spécialement marqué par lesprit derviche qui est encore si vivant parmi les Iraniens. Il nous est parvenu grâce à une conteuse populaire illettrée du nom de Mochallâh
Khanoum. Recueilli par Ebrahim Chocourzadeh et Adrienne Boulvin, il a été recensé et analysé dans les travaux de l'Institut d'études iraniennes de l'université de la Sorbonne nouvelle, et publié aux éditions Klincksieck en 1975 sous le titre: Contes populaires persans du Khorassan.
Adrienne dans son récit est accompagné par Djalal Akhbari, authentique musicien iranien qui interprète et improvise sur ce précieux instrument qu'est le centhour, l'ancêtre du psaltérion, et donc du piano.
Adrienne de Perse
Une incroyable femme de 77 ans donne son titre au film de Boris Lehman A comme Adrienne. Adrienne semble tout droit sortie de l’univers pastel et colonial de Babar, sa vie tient du conte ou de la bande dessinée pour enfant. « 77 ans, I’âge limite pour lire Tintin », dit Boris Lehman chez qui ce parrainage n’a rien de fortuit. Adrienne est cette femme belge, curieuse et vive, qui vécut quatorze ans en Iran où elle suivit son chirurgien de mari, apprit la langue et entreprit de traduire les contes populaires persans de la région de Khorassan.
On voit se profiler, au fil des récits dAdrienne, le monde colonial révolu de la Belgique, sa fréquentation des grands de ce monde, princes et princesses, reines et rois, hauts dignitaires iraniens et belges, mais aussi son absence de regard politique sur les choses (ou peut-être la rétention de ce regard), en même temps que son attachement profond à la culture persane, à lOrient. Lehman sefface devant cette dame, à qui il nimpose rien (cest elle qui mène la barque), surtout pas un regard critique ou politique. Lui dont le style ressemble à la transposition cinématographique de ce qu'en BD on appelle la ligne claire, semble au contraire en parfaite symbiose avec Adrienne. Il découpe son film en divers chapitres dont les titres (la leçon de natation, la leçon de conduite, de cuisine, de cinéma, etc.) ne vont pas sans évoquer les titres des romans de la collection rose (ce pourrait être Adrienne à l'école, Adrienne en vacances, Adrienne fait du vélo, etc.). Boris Lehman cherche moins son propre regard sur les choses filmées (ou alors cest un regard naïf) que celui dAdrienne, manière pour lui d'éviter tout regard exotique sur une altérité. Car Adrienne et lui partagent une sensibilité commune, mais pas les mêmes valeurs, comme lindique, sur un mode comique, la manière dont chacun va dresser une table. Le film se clôt sur un conte persan, récit à tiroir dit par Adrienne. Se crée alors un curieux effet de continuité entre ce conte et la vie d'Adrienne, comme si, de laveu même de Boris Lehman, la vie dAdrienne était un conte.
Jean-Sébastian Chauvin (Les Cahiers du Cinéma 549 / septembre 2000)
EXTRAIT DU FILM
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