film terminé (du moins la première partie, qui s'inttule bien: Histoire de mes cheveux, alors que la deuxième partie devrait s'intituler: Une histoire de cheveu)
Cest dabord un projet personnel.
Me couper les cheveux.
Ça fait 21 ans que ça na plus eu lieu.
Dans Babel, je disais à Nadine, qui me suggérait de le faire: «Seulement quand jaurai fini Babel». Et jajoutais ceci: «Pour être raccord». Elle répondait: «Tu mas dit quil ny avait jamais de raccord dans tes films» et je disais: «Justement, parce quil y a mes cheveux».
Dois je considérer que Babel est fini?
Non, sûrement pas.
En vingt ans, à peine un épisode de terminé (6 heures vingt minutes, divisé en un prologue et 2 parties) et un deuxième en passe de lêtre (composé également dun prologue et de 3 films - dont 2 terminés, environ 6 heures trente minutes) . Il resterait 2 épisodes entiers à faire, dont il nexiste que des bribes et des esquisses.
Mais voilà on ne peut pas attendre indéfiniment.
Coupons.
Commençons par regarder ce qui se coupe et se découpe.
La pellicule elle même (le principe numéro un du montage).
Et puis les cheveux.
«Cheveux» de chiens (dans une petite rue, près de la gare, à Lausanne). On devrait dire: poils. Cheveux ne sappliquent quaux humains.
Cheveux des gens donc (dans les passages à Paris, près de Strasbourg-St Denis, notamment les Turcs, les Pakistanais, Indiens ou Égyptiens, et Africains, chez qui la coiffure, la barbe et la moustache (ou la tête rasée ou scarifiée), outre lesthétique de la chose, en disent long sur les traditions et les rituels presque oubliés chez nous.
Chevelures-sculptures et chevelures parures.
Teintures et peignages
Chevelure comme nuage
Et puis allons y.
Coupons!
Couper serait peut être la censure
lhumiliation ou la punition (les nazis rasaient la tête)
la soumission, lobéissance (aller chez le coiffeur)
mais aussi la purification (enlever les poux)
Rappelons nous lépoque des hippies, la mode des cheveux longs, synonyme de rébellion (les cheveux longs pour les garçons, les cheveux courts pour les filles)
Pensons à Jeanne dArc, à Samson.
Lidée cest bien daller faire un voyage,
détudier la question (le cheveu, à quoi il sert, comment il vit et meurt) et daller à la recherche de sa Dalila.
On ne peut la trouver quaprès un long périple, très loin, comme dans les contes, par exemple en Sibérie.
On se fixera comme point de départ létude scientifique, documentaire, presque didactique. Aller dabord chez le spécialiste, qui mettra mon cheveu sous microscope, analysera son état de santé.
On pourra trouver dans la littérature et les contes matière à enrichir les épisodes et le propos. De la douce Ophélie étendue dans leau aux côtés des algues (Hamlet) à Lilan Gish luttant contre le vent (le Vent), du vieux Cric Crac à lhéroïne de Raiponse (des frères Grimm), qui a des cheveux tellement longs quils se transforment en corde pour permettre à lamoureux de venir la rejoindre, de Gaston Bachelard (lAir et les songes) à Baudelaire(«Tes cheveux contiennent tout un rêve» (le Speen de Paris), en passant par les Chants de Maldoror de Lautréamont, de Poil de Carotte à Tintin et autres héros de bandes dessinées, nombre dépisodes sur la puissance métaphorique de cet attribut humain se transforment immédiatement en scénario, en magie narrative.
On peut parler de la naissance, de la pousse, de la chute et de la mort des cheveux. On peut aussi les distinguer par leur forme et leur couleur, les qualifier de fins, de secs, de gras, de vigoureux, de souples, de frisés, de bouclés, de crépus, de raides et de brillants. On peut les colorer, quils soient blonds, bruns, roux ou argentés, mais ils finissent toujours par grisonner et devenir blancs.
Quel que soit le bout par lequel on le prend, le cheveu nous raconte son histoire. Mon cheveu sera en quelque sorte le fil conducteur du film, son acteur principal. Cest le cheveu qui parle et pleure, et réagit aux violences quon lui fait (leau, le feu, les shampoings), cest lui qui traverse les intempéries, les dangers du temps et de la pollution.
Mais parfois aussi on le soigne, on le chérit, on le coiffe dun bonnet, dune casquette, dun chapeau, on le masse, on le lave.
Il arrive même quon loffre en cadeau, quon le conserve on quon en fasse oeuvre dart.
La forme même du film se voudrait aussi chevelue, nomade, libre et ouverte autant que possible. Ainsi le film pourrait mélanger des extraits doeuvres existantes, des passages documentaires et des scènes de fiction pure, de reconstitution, ainsi que des citations de films personnels plus anciens, qui me montreraient beaucoup plus jeune, avec les cheveux courts et noirs, alors quaujourdhui mon crâne est chauve et que mes cheveux restant à larrière, sont blancs.
Alors un film expérimental?
Si on veut, dans une certaine mesure, mais également un film classique sur un grand sujet. Pour reprendre une formule célèbre attribuée à Magritte, je dirai, avec humour et en même temps très sérieusement: «Ceci est lhistoire de mes cheveux».
Synopsis
Séquence 1: On voit le réalisateur chez lui devant le miroir de la salle de bain, pendant quil se rase. Différents points de vue montrent létat avancé de sa calvitie ainsi que les cheveux grisonnants.
Séquence 2: Flash back/citation: on voit la scène filmée il y a vingt ans, où Nadine dit à Boris quil devrait se couper les cheveux.
Séquence 3 Boris se brosse les cheveux et constate quils sarrachent et restent en touffe, agglomérés dans la brosse.
Il les emballe soigneusement dans un plastique.
Séquence 4: Boris va se faire examiner chez un spécialiste. Ses cheveux vont passer sous le microscope, puis dans un scanner. Analyse des résultats. Bulletin de santé.
Séquence 5: Revenu chez lui, Boris visite quelques amis et leur annonce quil va se couper les cheveux. Tout le monde est étonné et lui prodigue des conseils.(«Je connais un très bon coiffeur»)
Séquence 6: Boris observe les cheveux des gens quil croise dans la rue: cest surtout les africaines qui le fascinent, dans le quartier de Matongé. Cest comme un défilé de mode ou de sculptures en mouvement. Il observe les vitrines des coiffeurs. mais il nest pas décidé. Il veut se faire couper les cheveux, mais pas nimporte où ni par nimporte qui.
Séquence 7: il va chercher de la documentation chez les bouquinistes. Puis se décide pour un grand voyage.
Séquence 8: On le voit à Nantes, à Lausanne, à Moscou... à la recherche de sa Dalila. Il faut quil y ait synchronisation de plusieurs éléments: lune montante, femme enceinte, paysage idyllique, avec les préliminaires «amoureux»: masser et laver les cheveux.
Séquence 9: arrivé au bout de son périple, en Sibérie ou en Mongolie, , il trouve enfin la femme qui les coupera. Tout cela sera filmé avec minutie, «en temps réel» à laide dune multitude de plans, sans trucage, et sans en perdre un poil. Rude épreuve sans nul doute, qui sera aussi une performance.
Note: Différents éléments documentaires (films scientifiques et didactiques) et de fiction, ou des citations pourront être insérés et intégrés dans le déroulement du récit-voyage. La Chevelure de Maupassant, les Chants de Maldoror de Lautréamont, lun ou lautre conte de fée des frères Grimm... et bien entendu, lhistoire de Samson et Dalila, dans sa version hollywoodienne, qui reste le pilier et le moteur du film. Cette tradition que lépaisse chevelure de lhomme est la manifestation-même de sa force et de sa virilité, et lui confère puissance, masculinité et même sainteté remonte aux héros babylonien Gilgamesh, qui, quand il tomba malade et perdit ses cheveux, dut entreprendre un long voyage pour que les cheveux de sa tête repoussent et qui, ainsi, il retrouva sa force. Et donc le film parlerait, bien évidemment en filigrane, dimpuissance, de castration et de vieillissement.
Pour ce projet: Boris Lehman cherche personne(s) agréable(s), possédant et conduisant voiture, libre(s) et disponible(s), prête(s) à saventurer dans un tournage qui la (les) mènera notamment jusquen Inde, en Russie, en Mongolie et en Sibérie.
Professionnels et demandeurs demploi s sabstenir.
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