J'avais déjà voyagé. Mais voyager sans filmer est-ce bien voyager? Aller sans revenir avec moisson d'images et de sons, est-ce bien la preuve qu'on a vu quelque chose, qu'on a existé? J'étais en Turquie, à Mexico, au grand Duché de Luxembourg, en Yougoslavie, en Espagne, et plein de fois en Italie, au Canada, jamais en Grèce et jamais en Tchéquie.
1.Mon voyage à Bruxelles (atomium, Palais du roi, manneken pis): Calonne, Schirren, Semal, Storck, Piqueray, entre Schaerbeek et Ixelles, entre St Josse et Linkebeek, dans les cafés et sur les places, mes pieds-à-terre.
2.Mes voyages en France:Paris (Tour Eiffel, Seine) Drôme, Ardèche, Toulouse, Grenoble-, Eva et Christophe, Luna, Christian Merlhiot, Elisabeth Riollet, Atiéna, Marie -Claude Bénard, Jacques Kermabon, Louise de Neef, Entrechaux, Gramont, Anouchka de Warichet, Loïc Grelier, Dunkerque, Didier Canyn, Flora Galouchko, Valérie Pozner, Armen Arountiounian, François Albéra, Cécile Zervaducki, Anne Benhaiem, Joëlle Naïm,Cricri, Hélène et Eduardo , Chantal Akerman ,Aline, Dominiqe Comtat, Raymonde Carasco, Reims, Massy, Paris, Ivry.
3.Madrid: Catherine Gautier, cinémathèque, Maria Nadouce.
4.Budapest: Isabelle Lousberg (sténopé) , Bela Tarr, bains thermaux, cinémathèque, théâtre Squat K.
5.Allemagne: Berlin, Anne Grèzes, Sonia Wagemans, Ulrich Gregor, Echo Von Shwidow, Ulrike Ottinger, l'Arsenal, la Spree, Kassel, Cologne, le passage du Rhin, Armand Gatti, Gerd Roscher, Claudia Von Alemann, Rudiger Neumann,Thomas Töde (Hambourg) , Munich, Enno Patalas
6.Danemark: Copenhague, le bateau, la petite sirène, Christiania, Amal Khouri, Ase Egg et Jesper, Asta et Ella.
7.Suisse: l' Ecole des Arts Visuels (Genève), Véronique Goël, Jacques Roman, Kudeski, Delphine Horst, Freddy Buache, Marcel Dupertuis (Lugano), Nora Delgado et Philippe Maeder (Lausanne)
8.Italie: la Chartreuse de Parme ( de Waterloo à Parme) : Marcel Dupertuis à Lugano (Suisse) après les Fagnes (Marie -Jeanne) et Arié ( à Fontenoile), Fransesca, l'hôpital (check up), Gilbert à Cesena, Milan (la Cène de Léonard de Vinci), Adriano Apra (Rome), la Villa Médicis, Sergio
9.Moscou: Gosfilmofond, Dimitriev, Valery Bossenko, Tatiana Daniliants et sa mère, le spécialiste de Boris Lehman, la Tour de la radio, le Bolchoï, l'hôpital des yeux, traducteur de Jacques Brel, photographe publicitaire, Boris Rabei metteur en scène de théâtre, chanteur, neige, dégel, église, monastère, cimetière, statue renversée, la faucille et le marteau, Anna et Nina.
10.Israël: Amos Gitaï (Haifa) Herz Frank,Ettel Weingarten, Léa Van Leer,Ron Havilio,le Mur, la via Dolorosa, le Mont des Oliviers (Jérusalem) la mer Morte, le désert du Néguev, Dominique Seydel (kibboutz de Ketura), Méa Sharim, Yad Vashem, Georges Khleifi (à Ramalah), les bains de boue, Eilat,Tel Aviv (David Perlov, Mendy Cahan, Hélène Dahan).
11.Montréal: Robert Daudelin, Marie Chouinard, Jean Gagné, Marc André Forcier Monica Haïm, Micha Saäl, Serge Ouaknine, Loïs Siegel ( à Ottawa) Annouchka Galouchko (à St- Jérôme) Catherine Martin, Odette Bougie
12.New York: Françoise Brodski,Michael (check -up à l'hôpital), Nicolette (cours de danse) Micha Yampolski, Jonas Mekas (Anthology Film archives), Antoine Laval (Chelsea Hôtel), Silas Shabalewski, la Statue de la Liberté, le bateau, Elis Eiland, Central Park, la fumée dans le sol, le métro, Jim Jarmush et Sara Driver, Garry Goldberg
13.Amsterdam: Johan Van der Keuken, Noschka, Van der Staak, Heidi, Lili, Fuji (Marion...)
14.Londres: S. Dwoskin, Frances Turner, Gerry Smith (British MLuseum), Alice Arnold, Hugo (International filmschool), ICA.
15.Pologne: a commencé avec Marian Pankowski, Marie Desbarax, Szimon Zaleski et Kasia, à Bruxelles. Puis avec Arié, Heinz Zimmer et Richek, jusqu'à Gdansk, Robakowski (à Lodz), Hanna, l' école de cinéma, le cimetière de Varsovie (tombe de Zamenhof), Krakow, Lwov (en Ukraine), Valérie Pozner , Heinz,
16.Portugal:à Porto:Saguenail et Corbe, le pont Eiffel, Manoel de Oliveira, la rue des Sirènes; à Lisbonne: Anisabel, Costa E Silva, César Monteiro, Paolo Branco, Paulo Rocha, Pedro Costa.
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17.Mon dernier voyage
18.Le voyage sentimental
19.Voyage autour de ma chambre
20.Voyage immobile
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Les voyages réalisés forment en quelque sorte la suite des voyages non réalisés à l'époque où je réalisais BABEL (Lettre à mes amis restés en Belgique), dans les années 80. Suite aussi de mon errance, de ma déambulation spiralée bruxelloise, qui s'est au cours des années, élargie à toute l'Europe, et l'a même quittée pour atterrir en Amérique et aux bords de l'Orient.
ces voyages sont autant la suite de mon journal qu'un recueil d'archives et d'entretiens qu' un carnet de voyages et de notes pour de futurs films. Ils contiennent d'ailleurs tous des courts métrages, des idées et des projets de films.
Cet amalgame présage ce que le cinéma de Boris Lehman est en train de devenir: un super montage qui fait penser, de façon artisanale, à un CD ROM où des montages sont possibles à partir d'un matériau non fini, non unifié, non achevable en tant que produit unique et standardisé. Ici, la matière prolifère, elle est infinie, toujours à réviser et à compléter.
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LE VOYAGE EN POLOGNE (voyage au pays de ma mère)
Suis-je un voyageur? un explorateur inquiet? un enquêteur impertinent? un perceur de mystère? partout où je vais, dans mes interminables randonnées, mes pèlerinages on pourrait dire, je me conduis en touriste anthropologue. La part d'inconnu se révèle à moi comme dans un jeu de ping pong et je poursuis mes pérégrinations sans me poser trop de questions.
Ici, que s'est-il passé? ai-je exploré le génocide? suis-je entré, ai-je pénétré dans l"horreur absolue"? suis-je descendu dans l'enfer?
La caméra en tout cas m'a protégé du pire. j'ai osé , osé y aller. Tremper mes pieds dans la terre de sang.
Tout simplement, j'ai voulu faire le voyage jusque là d'où mes parents sont venus, où je ne suis jamais allé, d'où ils n'auraient pas pu rester et ils ne voulaient jamais revenir.
Un pays dont parle Jarry et aussi Polanski. Le pays de Copernic et de Wajda, de Kantor, Witkiewicz et Gombrowicz...
Bien sûr, j'avais lu les témoignages de Jorge Semprun, de Primo Levi, de Bruno Bettelheim et de beaucoup d'autres. Nuit et Brouillard et aussi Shoah de Lanzmann courent encore dans ma tête.
Je suis là, et je n'ai rien vu.
Non que je ne veuille rien voir.
Mais il n'y a rien à voir.
Rien.
Rien vu et rien entendu.
J'ai cherché mon nom
partout
et j'ai marché sur le morts.
Là où les juifs ne sont plus
ils sont encore là.
Le silence concentrationnaire, qui ne laisse pas de trace, et qui fait penser à cet autre silence que j'avais croisé dans le désert du Neguev, devant la mer, morte.
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ISRAËL
Tout au long de ce voyage, Ettel sera la cheville ouvrière, le fil qui me mènera du Mur à Méa Sharim, de Werner à Léa, du désert au bain de boue.
Faire les images que chacun a envie de faire
Aujourd'hui, beaucoup d'images sont perdues.
Les images se perdent dans les oubliettes du passé. plus moyen de les reconstituer, sinon à grands frais. Je me sens comme un chameau ligoté par les pattes. Même dans son studio américain, Muybridge n'avait pas osé faire ce sort à son dromadaire.
La mer morte même n'est plus si morte. Il y a vingt ans, j'avais eu cette sensation unique de mon plonger dans une eau haude, visqueuse, huileuse, lourde, qui ne bougeait pas,dans une chaleur et un silence ambiant sans égal, de désolation. et aujourd'hui je fais le clown avec ce journal qui titre: "ma descente aux enfers".
Ma première leçon de conduite automobile.
Israël n'est qu'un désert.
Muriel: plus de gaffes que de sons.
(pendant qu'on voit les gens revenir de la synagogue dans la rue devant chez Ettel, on ented les messages téléphoniques)
le chemin de douleur
le kibbouts Ketura, la Palmeraie
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L'impression qu'à chaque fois c'est mon dernier voyage, que c'est la dernière fois que je passe par là, que je fais mes adieux aux lieux et aux personnes, en tâchant de garder, de sauver quelque chose d'eux, des images, des sons, un détail, une voix,une visage, une impression fugitive, éphémère.
Le voyage est amené par sa condition même de nomade observateur, toujours en éveil, jamais rassuré à dvenir tantôt voyou tantôt philosophe. Il transporte ses notes et les écris au fur et à mesure avec un peu de retard chaque fois sur ce qu'il est en train de vivre, il raconte ce qu'il voit, ce qu'il apprend et aussi ses sentimebnts, d'exil, de peur, de nostalgie, de découverte. L'écriture ausi achève son voyage. il le rend caduc..
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J'ai toujours envié - jalousé - ceux qui arrivaient à ne rien faire, à se reposer, se relaxer, être en paix avec la nature, et le monde. J'en ai vu, j'en ai rencontré de ceux là et j'étais avec eux un court instant.Mais le démon de la course le reprenait toujours et je ne savais pas rester en place, rester, abandonner le retour (avec ses problèmes) abandonner l'idée même d'un retour.Je ne savais pas être robinson, m'accomoder d'un nouveau mode de vie, oublier le reste, le passé.
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